04 67 02 02 02 contact@le-mis.fr
Le MIS fait le point avec la psychologue Aude Michel.
 

De nombreuses femmes se demandent s’il est indispensable de parler du cancer à ses enfants. Que leur conseillez-vous ?

Je leur conseille de toujours leur dire la vérité. Les enfants, quel que soit leur âge sont de véritables éponges. Ils perçoivent toujours, à un moment ou à un autre, les difficultés et les inquiétudes de votre entourage face à votre maladie. Éviter le sujet dans le but de les protéger risque donc d’avoir l’effet inverse. Car en laissant trop de place à l’imagination, on laisse l’enfant penser au pire et construire ses propres représentations, souvent beaucoup plus angoissantes que la réalité. L’enfant peut s’imaginer être responsable du mal être qu’il ressent dans sa famille, dans certains cas il peut même penser être la cause de la maladie de sa maman. Le dialogue permet de désamorcer les fantasmes.  

Comment leur dire ?

En utilisant des mots simples, adaptés à l’âge de l’enfant. L’important est de leur fournir assez d’éléments pour qu’ils puissent comprendre à leur façon le cancer. Il n’est pas nécessaire de tout leur dire d’un coup, mais de les informer petit à petit. L’important est surtout de les rassurer sur la vie familiale à venir, sur les chances de guérison et sur vos sentiments. Même si votre vie et votre corps changent, vos sentiments resteront toujours les mêmes. Les enfants doivent aussi se sentir dans un climat de confiance, rassurant où ils sont autorisés et encouragés à poser leurs questions et à évoquer ce qu’ils ressentent en lien avec la maladie.  

Faut-il utiliser le mot « cancer » ?

S’il est souhaitable de l’utiliser, il faut aussi s’adapter à l’âge de l’enfant, à sa maturité et à son développement ! Pour l’enfant en bas âge le mot cancer ne veut souvent rien dire, il est préférable alors de parler de maladie. Chez l’enfant plus âgé qui connaît déjà ce mot, il est important de le dédramatiser. Il faut leur expliquer que le cancer est une maladie qui se traite et que vous allez être soignée. C’est un peu comme aborder la question de la chute des cheveux. Je conseille à mes patientes d’expliquer aux enfants que la perte des cheveux n’est pas la conséquence de la maladie mais le signe que le traitement est en train d’agir.  

A quel moment faut-il parler de la maladie à ses enfants ?

Le meilleur moment est celui où l’on se sent prête. C’est-à-dire l’instant où l’on est capable d’évoquer la maladie sans s’effondrer totalement. Il est important d’arriver à parler soi-même à son enfant. Ensuite, cette question pourra être reprise avec le père, les grands-parents… En amorçant ce dialogue, il s’agit de montrer à l’enfant que le sujet n’est pas tabou.  

Est-ce grave de pleurer devant ses enfants lors de ces échanges ?

Non. Il est normal de pleurer ou de ne pas se sentir bien lorsque l’on traverse une épreuve de cette ampleur. Mais il faut expliquer aux enfants le pourquoi du comment. Il faut qu’ils comprennent qu’il est normal d’exprimer ses sentiments : être triste, fatigué, en colère…. Que c’est un processus normal et sain. Et qu’ils ont aussi le droit d’en faire autant.  

Comment amorcer le dialogue ?

L’idéal est de saisir les instants où votre enfant est réceptif ou demandeur. Il ne faut pas hésiter à saisir la balle au bond. Il peut être intéressant par exemple de profiter de la lecture d’un livre. Les livres sont d’excellents médiateurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons organisé en octobre dernier une rencontre du MIS pour les femmes malades à la Librairie enfantine NEMO, lors de laquelle la librairie Marie-Odile Compagnon a présenté des ouvrages susceptibles de jouer ce rôle.  

Quels livres ont été présentés lors de cette rencontre ?

Quelques livres sur la maladie, bien sûr, mais pas uniquement. Car contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas toujours les plus propices aux échanges. Les livres sur les émotions sont souvent plus intéressants, notamment avec les plus petits. Marie-Odile Compagnon a également présentés des «livres qui rassurent », et des contes qui sont « une source inépuisable de récits initiatiques qui permettent souvent de régler des problématiques liées à la perte, au sentiment d’abandon, à l’acceptation, etc… » comme elle l’a très justement souligné. J’encourage d’ailleurs les femmes malades à consulter la bibliographie qu’elle a préparée et que le MIS met à la leur disposition sur notre site internet.

L’équipe soignante peut-elle jouer un rôle d’accompagnement ?

Bien sûr. Les psychologues peuvent aider les familles à aborder cette question plus sereinement. Nous nous attachons en outre, au sein du MIS, à répondre aux demandes des familles. Nos chirurgiens, par exemple, reçoivent parfois les enfants de leurs patientes pour leur expliquer avec des mots simples ce qu’est la maladie, leur parler des traitements et répondre à leurs questions. Il est aussi possible de venir visiter certains lieux de traitement, à condition d’en parler au préalable avec son équipe soignante et de choisir un moment opportun. Les assistantes de parcours du MIS peuvent vous aider à organiser cette visite. Cela ne remplace bien sûr pas le dialogue avec une maman, mais peut contribuer à rassurer les enfants.